Après l’an Mil, l’Europe entre dans un cycle de transformations dont l’art roman est le reflet dans le domaine artistique.
Ce mouvement va connaître un rayonnement considérable, avec le développement des ordres monastiques.
Un style nouveau apparaît, simple et somptueux, nourri par la foi chrétienne, qui va produire d’innombrables chefs-d’œuvre en France, puis s’étendre à toute l’Europe.
Cet essor et ces transformations vont toucher tout autant l’architecture religieuse et civile, que la sculpture, la peinture, le vitrail, l’orfèvrerie, la musique, la littérature, tous ces arts réunis au sein de l’église, image mystique de l’univers.
Un coin de campagne, une église romane avec son cimetière, image de paix. Et si l’on a encore la chance de découvrir un coin où rien ne rappelle le modernisme de notre époque, on se prendra à rêver. Rien dira-t-on, n’a changé ici depuis le Moyen Age. Le tourbillon du monde semble loin, très loin. L’église romane apparaît comme un havre de quiétude, elle respire la paix, et à cela s’ajoute la solitude.
Les différents types de construction :
La basilique (étymologiquement la « salle royale », constantinienne, caractérisée par une nef centrale plus élevée que les collatéraux qui la bordent des deux côtés, est par excellence de l’architecture sacrée médiévale.
Les églises romanes se caractérisent par la clarté de leur plan tant horizontal que vertical et par la lisibilité de leur agencement.
Le type église-halle, avec abside plus étroite que la nef, est issu des basiliques privées installées dans les maisons des temps proto-chrétiens.
Dans l’église-halle proprement dite, la nef centrale et ses collatéraux sont de même hauteur. Cependant, dans la variante illustrée par l’église Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, la nef centrale est légèrement plus haute.
Comme son nom l’indique, les constructions à plan central s’ordonnent autour d’un centre. Elles sont souvent carrées ou circulaires, avec diverses variantes. Dans le meilleur des cas, absides, chapelles et portails sont intégrés. Mais ils sont souvent rajoutés, créant ainsi un effet d’asymétrie.
Le cloître :
L’organisation des bâtiments monastiques est très classique. Le cloître occupe une place centrale. C’est un espace de domestication parfaitement réussie, d’organisation du chaos, une projection du paradis sur terre. Le carré évoque les quatre évangiles, les quatre vertus cardinales, les quatre éléments. La fontaine où chacun vient se laver après le travail symbolise une sorte de baptême quotidien. Saint Bernard condamne vivement les riches sculptures qu’on trouve dans les cloîtres clunisiens. A ses yeux, c’est là un objet de divertissement et de dépenses inutiles. Les chapiteaux trop sculptés sont à « défricher » pour retrouver la forme pure. L’imaginaire doit être refoulé. Le cloître doit favoriser la lecture de la parole divine, plus importante que l’image.
La crypte :
A l’origine, la crypte était conçue pour abriter le sépulcre du martyr. Plus tard, de grands personnages séculiers et ecclésiastiques y furent également inhumés. Au-dessus de la crypte, on éleva le chœur et, plus tard, l’église tout entière.
L’architecture romane en France :
Les sources font état de nombreuses fondations de monastères au IXe et au Xe siècle. Parallèlement, dans les villes, les cathédrales datant des premiers temps du christianisme étaient reconstruites à neuf. Ces églises continuaient à être bâties sur le plan des grandes basiliques romaines : nef à plafond plat, transept saillant et abside semi-circulaire à l’image du modèle primitif fourni par l’ancien Saint-Pierre-de-Rome, qui faisait toujours autorité.
La sculpture romane en France :
Au tout début de la sculpture romane en France, on ne rencontre pas d’œuvre monumentale. Il s’agit plutôt d’éléments ornementaux mobiles qui n’étaient vraisemblablement pas conçus initialement en relation avec un édifice.
Je ne vais pas vous énumérer chaque ville où l’on trouve les édifices romans. Mais, en étant proche de la Bourgogne, je souhaite vous parler de Tournus, une nouvelle abbatiale Saint-Philibert avec son fameux arc dit de Gerlanus, d’après l’inscription qui y figure. Des chapiteaux grossièrement tailladés d’ornements et de plantes supportent chacun un abaque épais muni d’une sorte d’imposte. L’un montre une tête d’homme masqué affublé d’une barbe, l’autre un personnage brandissant un marteau. On a souvent voulu voir dans ce dernier, l’architecte Gerlanus lui-même. Même si cette interprétation n’a pas pu être vérifiée, elle garde un petit côté sensationnel, car ce serait là, la première fois dans l’histoire de l’art occidental qu’un artiste se serait représenté.
La peinture murale romane en France :
C’est en 1080 et 1150 que se situe, en ce qui concerne la France, l’apogée de la peinture murale romane.
Le monastère de Cluny connaît alors un rayonnent tel qu’il éclipse tous les autres foyers culturels de l’Europe romane. Malheureusement, dans la tourmente de la Révolution Française, l’abbaye de Cluny, la plus grande église de la chrétienté, fut presque entièrement détruite, ainsi que les nombreux joyaux artistiques qu’elle recelait. La reconstitution de l’influence de ce foyer des arts et des sciences n’est aujourd’hui possible que très partiellement.
C’est à Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne) que l’on possède le plus bel exemple de peinture romane. Comme l’écrivit Prosper Mérimée en 1845, c’est là que l’on trouve « les plus importantes et les plus belles peintures murales de France ».
La peinture des manuscrits :
Reims, grand centre provincial de l’Empire, entretint un atelier dont les productions les plus marquantes furent les Evangiles d’Ebbon et le Psautier d’Utrecht, deux manuscrits datés de 855. Après Reims, on vit naître, crées par des artistes, des érudits, d’autres ateliers et écoles, notamment ceux de Tours et de Saint-Denis. L’Evangéliaire de Lothaire (850 env.) provient de l’école de Tours, de même que le Sacramentaire de Charles le Chauve (860 env.).
L’enluminure carolingienne resta dominante jusqu’au Xe siècle, à tel point que les scriptoria ottoniens reprirent et perpétuèrent tout d’abord les mêmes éléments figuratifs et ornementaux.
Au cours du IXe siècle, les scriptoria carolingiens ont clairement marqué la différence entre l’architecture et l’entrelacs de leurs enluminures. La ligne ombrée utilisée avec raffinement par les artistes irlandais pour suggérer l’architecture est évitée. Par contre, on accepte sans réserve la combinaison de l’initiale et de l’ornement. Les manuscrits irlandais sont toujours considérés comme exemplaires au-delà de l’époque carolingienne et ils restent inégalés dans leur diversité artistique. Ils sont appréciés, et cela n’a rien pour surprendre, dans chaque monastère du continent.
Le vitrail :
C’est entre autres le développement du vitrail qui annonce la fin du roman.
La structure diaphane de l’architecture gothique supprime en effet dans une large mesure la surface murale, principal subjectile de la peinture monumentale romane.
La technique du vitrail exige une structure rigoureuse de la représentation imagée et des détails, celle-ci réclamant à son tour une ordonnance claire et intelligible des figures et de l’espace ainsi qu’une délimitation linéaire précise du détail. L’espace de représentation roman se trouve fracturé en formes colorées assemblées en mosaïque.
Près d’un siècle avant la «disparition » de l’art roman en Allemagne et quelque quarante ans avant l’exécution du vitrail d’Alpirsbach, on voit apparaître en France, à l’abbatiale de Saint-Denis, les premières verrières gothiques.
Et c’est une nouvelle ère artistique qui prend le relais…
Source : L’art Roman. Architecture-Sculpture-Peinture
Dame Tiffen, le 21/12/2018.