Le Jardin Médiéval. Inspiré du Livre d’Heures d’Anne de Bretagne (XVIème siècle)

En ces temps où nous cherchons à retrouver une nature longtemps négligée et souvent malmenée, je vous invite si vous le souhaitez, pour une promenade dans des jardins disparus d’après un manuscrit du XVIème siècle, intitulé «Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne». Exécuté sur la commande de la reine, dans les premières années du XVIème siècle, vraisemblablement entre 1503 et 1508, ce livre de prières est l’un des plus beaux manuscrits conservés en France.

 Les plantes :

Les plus humbles des herbes des talus et des champs ne sont pas méprisées, elles côtoient les roses, fleurs de lys ou ancolies, qui chargées de leur message symbolique ornent habituellement les Livres d’Heures. Pour certaines espèces, elles sont représentées dans leurs diverses variétés, ou à différentes périodes de leur évolution. Les orchis, les bleuets, les compagnons, de la famille des lychnis, les véroniques, les lamiers qui sont des sortes d’orties, sont aussi nombreux que les ancolies, et plus que les iris, si fréquemment rencontrés dans les manuscrits.

Elles ne sont pas doctement découpées en fleurs, fruits, feuilles, et racines, comme dans la plupart des herbiers, contemporains ou non. Réalistes et «vivantes» elles sont cependant glorifiées par un fond d’or qui leur confère un reflet de divinité.

Il s’agit donc d’une volonté délibérée d’observer la nature dans son intégrité, sans a priori, et le soin apporté au traitement de chaque plante ne dépend pas de son importance symbolique ou traditionnelle.

La médecine par les plantes était régie par diverses théories, dont les plus connues étaient celle des «Humeurs» *, puis celle des «Analogies» ** ou des «Signatures» ***. Les plantes, alimentaires aussi bien que médicinales, faisaient partie de cette classification universelle.
A cette médecine se mêlaient les pratiques magiques parfois dangereuses des sorciers et guérisseurs.

 Les arbres :

Les arbres ne sont pas très nombreux. Le chêne, souvent cité dans la Bible, était sacré chez les Hébreux, abri des Dryades, esprits des arbres et des eaux pour les Grecs, qui attribuaient au célèbre chêne du sanctuaire de Dodonne le pouvoir de donner le don de prophétie. Cet arbre était déjà l’emblème du courage pour les Romains, qui couronnaient les vainqueurs de ses feuilles, encore présente sur les képis de nos généraux.

Les Jardins :

Le verger :

A l’abri du vent et des voleurs, s’accommodant fort bien des clôtures, souvent adossés à elles en espaliers, ou même parfois les renforçant, taillés en haies épaisses, les arbres et arbustes fruitiers apparaissent nombreux. Pommiers, en fleurs et en boutons, pommiers «de paradis», pommiers «de roueau», la pomme très représentée, est surchargée de symbolismes comme toujours ambivalents.

Après nous être attardés sous les ombrages des pommiers, «rois» des arbres fruitiers, nous rencontrons des pruniers domestiques et de «Damas». Outre leurs qualités nutritives, les prunes avaient de nombreuses applications médicinales : fébrifuges, stimulantes, anti-fatigue…

Certains fruits avaient mauvaises réputations, comme l’abricot, la pêche, la poire. Malgré de nombreuses réticences, les poires étaient beaucoup plus appréciées que les abricots ou les pêches.

Les fleurs :

Le lys est, dans sa forme stylisée, l’attribut de la royauté temporelle. Pourtant cette attribution semble bien usurpée, car l’iris jaunes et non le lys en est probablement à l’origine. Mêlant leur parfum à celui des roses et des lys, les œillets sont nombreux. Ils figurent fréquemment, stylisés ou non, dans les marges des manuscrits, et parfois, comme la rose et le lys, associés à la Vierge. En France, au Moyen-Age, l’iris était plutôt symbole de vie et de renaissance. Avec ces roses nous retrouvons, lys, œillets, iris, ainsi que les ancolies, communes, à fleurs blanches, à fleurs doubles. A leur beauté et leur symbolisme, s’ajoute un rôle médicinal. Hildegarde Von Bingen, au XIIème siècle, les préconisait déjà contre de nombreux maux. «Qui a la fièvre boira l’ancolie ». En plus de ces applications, l’ancolie était réputé donner une vue perçante.
D’autres grandes fleurs cultivées ornent notre jardin : le delphinium ou «pied d’alouette», autrefois médicinale. La découverte d’alcaloïdes dans cette plante en a fait abandonner l’usage. La marguerite, pure et blanche comme une perle, «Margarita», d’où vient son nom. Le lupin cultivé, ornemental, mais aussi très utilitaire. Son eau de trempage servait d’insecticide, et réduit en poudre dans des préparations pharmaceutiques pour le moins variées, vermifuge, diurétique, dépilatoire, anti-tumorale, maintenant oubliées. La pivoine dont le nom latin «Paeconia» lui aurait été donné, d’après Pline, par Paeon, le médecin des Dieux. «Rose sans épines», la pivoine était souvent considérée comme un symbole de la vierge.

Je terminerai par les myosotis et les pervenches, parce qu’il est évident que je ne peux pas toutes les énumérer, (307 plantes représentées). Le myosotis, déjà nommé «souvenez-vous de moi», symbole d’amour fidèle, est le héros de nombreuses légendes. Dans toutes les langues, le Myosotis s’appelle encore «aimez-moi, ne m’oubliez pas». La pervenche, longtemps utilisée dans les maladies pulmonaires ou les hémorragies,reste encore dans la thérapeutique moderne comme tonique.

Cette promenade achevée, nous avons l’impression d’avoir retrouvé un monde que l’on croyait disparu. Presque toutes ces plantes sont toujours là, fidèles, près de nous, donnant de précieuses indications sur ce qui fut la base même de la vie,il y a cinq siècles, et souvent bien au-delà.

Source : Le très beau livre intitulé, « Promenade dans les jardins disparus. Les plantes du Moyen Age d’après les Grandes Heures d’Anne de Bretagne »

Pour illustrer ce thème, je joins quelques photos de ma visite du beau jardin médiéval du monastère de l’Abbaye Saint-Magloire de Léhon (Côtes d’Armor).

*Depuis Hippocrate, IVème siècle avant notre ère, la médecine se fondait sur l’équilibre des humeurs, liquides organiques du corps humain : bile (foie), atrabile (rate), phlegme (cerveau), sang (cœur). Ces humeurs dérivaient des quatre éléments : air, terre, eau, feu.

**Le concept d’analogies existant entre les divers éléments de la création, faisait rechercher une ressemblance entre la partie du corps malade et les plantes remèdes.

***La théorie des Signatures, découlait de la lectures d’Aristote et des théories alchimistes, pensant que tous les êtres de la Création étaient reliés entre-eux par des connections, visibles ou non.

Dame Tiffen, le 06/12/2018.

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