Écrire comme un ange
C’est écrire avec une perfection qu’apporterait à une œuvre une créature surhumaine.
Voilà, certes, une phrase étrange dans le langage de la calligraphie : on la retrouve dans presque tous les idiomes modernes. On a comparé les dames à des anges, et on a pu dire belle comme un ange, chanter comme un ange, danser comme un ange.
La locution paraissait toute naturelle ; mais on ne comprend pas aussi bien comment l’art d’écrire en beaux caractères puisse faire partie des perfections célestes. Qui a jamais vu l’écriture d’un ange ?
L’étymologie de cette expression est toute terrestre, et primitivement on disait : « Écrire comme Ange, » par allusion à Ange Vergèce, un des plus habiles calligraphes connus.
La Bibliothèque nationale possède de lui trois manuscrits grecs, qui sont d’une rare perfection. On cite parmi ses œuvres calligraphiques : le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de François Ier et la copie du Cynegeticon d’Oppien, que Henri IIlui commanda pour la duchesse de Valentinois. François Ier se fit faire une fontaine grecque, d’après un modèle qu’Ange avait tracé en quelques traits de plume.
Ange Vergèce, né en Crète, au commencement du seizième siècle, était célèbre en Italie, bien avant son voyage en France. « Son écriture grecque était admirable, et, selon Bayle, elle servit d’original à ceux qui gravèrent les caractères de cette langue pour les impressions royales sous François Ier. »
Vergèce resta attaché à la cour des Valois jusque sous Charles IX, ainsi que le témoignent ces vers de Baïf adressés à ce dernier roi, dans l’épître dédicatoire de ses poésies :
Ange Vergèce. Grec à la gentile main,
Pour l’écriture grecque écrivain ordinaire,
De vos granpère et mère et le vostre eut salaire
Pour à l’accent des Grecs ma parole dresser,
Et ma main sur le trac de sa lettre adresser.
Au talent de calligraphe, il unissait la connaissance des lettres anciennes, et on lui doit plusieurs traductions d’auteurs latins. C’est par extension que les locutions « parler, danser comme un ange », furent employées plus tard, et que Mme de Sévigné pouvait écrire à sa fille : « Vous chanteriez ces airs-là comme un ange ».
Publié par Tiffen le 18 septembre 2019.
Bravo Dame Tiffen pour cette historique explication.
Rendons à César ce qui appartient à César… euh, plutôt à Ange ce qui appartient à Ange !
Merci cher Maître, vous êtes trop bon, mais c’est bien, vous m’avez reconnue………………
Me voilà encore plus instruit. Merci pour cette savante explication!
Merci de ce gentil commentaire Jean-Marc.